Proptech. Le mot est dans toutes les bouches. Les startups innovent, les portefeuilles s’ouvrent. WeWork, Katerra, Compass, Opendoor et Purplebricks font les gros titres. La technologie transforme le secteur. Big data, blockchain, intelligence artificielle, robotisation… Ces mots-clés font couler de l’encre et attirent des fonds. Mais est-ce le réel enjeu ? Suffit-il de maîtriser l’intelligence artificielle pour révolutionner l’immobilier ? Pour beaucoup, la clé, c’est la technologie. Le curseur est-il pointé du bon côté ? Quels sont les vrais enjeux de la Proptech?
Au départ, une startup résout un problème. L’immobilier sans robot, ce n’est pas un problème. Les transactions se font plutôt correctement sans la blockchain. Alors, quels sont les besoins ? Quels sont les problèmes à résoudre ? Faisons un point sur les questions que doivent se poser les startups. Avant tout, les enjeux immobiliers sont des enjeux de société et d’intérêts personnels. Donc, forcément d’argent.
L’argent
L’immobilier et l’argent sont intimement liés. Plus que la plupart des produits. Et tout le monde veut augmenter les marges ou réduire les coûts.
Réduire les honoraires
Discutez immobilier avec des particuliers et ils vous parleront en premier lieu des frais d’agence élevés. Alors, forcément, les startups s’attaquent à ce bout de gras. Des entreprises comme Purplebricks ou YOPA visent à réduire les honoraires, en automatisant un maximum de choses. Les professionnels doivent donc s’adapter et devenir plus performants pour faire mieux, ou moins cher. Ainsi, Compass (et ses 450 millions de dollars levés) a lancé son réseau de super agents boostés par des applications dédiées.
Le schéma est similaire côté gestion locative et syndic. On voit de nombreux outils pour les particuliers fleurir : Rentila, Cozy, RadPad, illiCopro… Et d’autres pour automatiser le travail des professionnels (et réduire leurs honoraires ?) : SMS Assist, CityLity, Inch, etc.
Désintermédier paraît donc une bonne manière de réduire les honoraires. Mais les professionnels de l’immobilier n’ont pas dit leur dernier mot. Leur capacité à s’adapter et repenser l’expérience client sera juge.
Simplifier l’investissement
Tout le monde veut investir dans l’immobilier. Alors, il y a la pierre-papier réservée aux connaisseurs, même si des entreprises comme MeilleuresSCPI la simplifient. Mais c’est surtout le crowdfunding qui réinvente l’investissement immobilier. Investir à partir de 100 euros, cela permet de créer une nouvelle cible et de prévendre des projets : double bénéfice pour le promoteur, qui économise de l’argent et du temps !
Le temps
L’immobilier est clairement caractérisé par le temps long. Long de construire, long de vendre, long de rénover, long de trouver un bien, long de transformer le secteur… Dans un monde où tout s’accélère avec les transports, Internet et nos assistants intelligents, le fossé se creuse. On sera bientôt 10 milliards sur la planète. Il faut s’adapter et adapter le logement.
Construire plus vite
Entre la réflexion d’un projet et sa livraison, il se passe plusieurs mois, voire années. Celui qui trouvera la méthode pour raccourcir les délais est assis sur une mine d’or. Katerra a levé 865 millions auprès de SoftBank pour « processiser » la construction. Google et Facebook testent différents logements, rapides à construire, pour leurs salariés. Ce n’est pas anodin. La course après le temps s’accélère.
Vendre plus vite
Du côté des particuliers, les décisions sont prises plus vite. On veut vendre tout de suite. Opendoor achète les biens immobiliers en 30 jours. Zillow s’est aligné et teste le modèle à Phoenix et Las Vegas, quitte à se passer des agents, ses clients. L’immobilier est en train de devenir « On Demand ».
Louer plus vite
Les plus touchés sont les jeunes. Les locataires qui ont l’habitude d’avoir un Uber en 5 minutes ne comprennent pas, et surtout, n’acceptent plus les barrières de la location. Le coliving apporte une solution avec WeLive aux États-Unis, The Collective à Londres, Cohabs à Bruxelles, qui permettent d’emménager en 1 clic. Le coworking permet aussi cette flexibilité à l’immobilier d’entreprise. De nouvelles entreprises comme Flatlooker ou KEYS redéfinissent les processus de location pour louer en moins de 5 jours.
Gérer plus vite
Du côté des promoteurs, syndics et administrateurs de biens, l’enjeu est aussi majeur. Traiter la demande d’un client plus vite augmente la satisfaction client. La 1ère licorne* dans l’immobilier, c’est SMS Assist. Un outil qui permet de signaler les incidents en 2 clics et de prévenir les bonnes personnes, pour une intervention rapide. La communication entre bailleur, gestionnaire et locataire est fluidifiée. Tout doit aller plus vite et être plus simple pour satisfaire le client, qui est plus sachant.
Le savoir
L’immobilier est un métier de données. Elles sont indispensables pour définir un prix, pour savoir où acheter, pour investir.
Investir mieux
Les investisseurs représentent une part de marché non négligeable. Et il faut les accompagner. Aujourd’hui, on peut réserver un Airbnb à l’autre bout du monde en étant sûr que l’appartement sera bien. L’immobilier s’adapte. Des startups comme My expat permettent aux expatriés d’acheter un bien immobilier depuis leur pays d’accueil. Les investisseurs achètent même directement en ligne sur Net-investissement (40 % des investissements). Les portails comme Zillow et les sites de crowdfunding doivent suivre. L’immobilier affiche donc un niveau de transparence de plus en plus élevé.
Gérer son stock
Une fois qu’on a investi, on veut suivre la valeur de ses biens. REALas estime les prix immobiliers en temps réel en Australie, Zestimate les estime dans le futur… À l’heure où toute l’information est disponible depuis un téléphone mobile, les investisseurs veulent être au courant tout de suite. Des entreprises comme VTS permettent de voir la valeur de ses investissements immobiliers en temps réel, de voir les évolutions, les baisses, le taux de remplissage, combien ça rapporte, etc. La suite, c’est de savoir comment va l’immeuble pour prévenir les charges et les risques. Par exemple, KONE est capable de prévenir une panne sur ses ascenseurs et de la réparer avant qu’elle n’arrive. Ce n’est qu’un début, en attendant la mise en œuvre du carnet de santé numérique du bâtiment, avec des initiatives comme celle de BAZIMO.
Connaître ses clients
Google sait prédire une épidémie avant l’agence de santé américaine. Facebook sait si vous allez déménager. SmartZip sait qui va vendre son bien immobilier aux États-Unis. Les GAFAM et les startups affinent leurs prédictions. Connaître ses clients est la clé. C’est sûrement la raison pour laquelle WeWork se considère comme une entreprise de data et non d’immobilier. Il récolte toutes les données d’utilisation des espaces, d’allées et venues, de réservation de services, etc. La data sur les clients et leurs habitudes immobilières permettra aux détenteurs de contrôler et réinventer l’immobilier de demain.
L’immobilier de demain
Les habitudes de consommation changent. Les promoteurs essaient de s’adapter. Des boîtes comme HABX permettent de moduler la construction en fonction des besoins et demandes des futurs acquéreurs. Le coliving et le coworking apportent de la flexibilité, dans un monde où le travail et le modèle familial évoluent, où les transports permettent d’aller plus vite, plus loin. Il faut construire, vendre, louer plus rapidement et être adaptable aux demandes qui changent constamment. Mais trois valeurs ne changent pas : les êtres humains veulent savoir, gagner de l’argent et économiser du temps. Une autre chose qui ne change pas, c’est qu’une startup résout un problème, une entreprise répond à une demande. La technologie n’est qu’un outil.
*licorne : entreprise valorisée à plus de 1 milliard de dollars.
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